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Par la fenêtre, dehors et dedans.
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27 novembre 2012

BLUE JACKET.

Il est là, à côté. Il s'accroche, comme tout le monde. Le bus est bondé, et le bus tangue. Lui, il est là. Grand. Mince à maigre. Nez fin, en bec d'aigle. Châtain et mat. Le caucasien bronzé.le regard perçant, ses yeux noirs. Rasé de près, mais ce matin. Chaussures de sports et jean noirs. Veste bleue. Il n'a rien de particulier. Son expression est neutre. Mais ses yeux... ses yeux se sont posés sur moi. Enfin, il m'a semblé. Alors j'ai levé les miens, et je l'ai vu.

Sa faute. Jusque là, je ne l'avais pas remarqué.

Ça n'avait pas encore été son tour de passer au crible de cette manie que j'ai d'examiner tous mes co-voyageurs.

Je n'y peux rien. J'aime réaliser qu'il y a du monde, là, dehors, au-dehors de ce qui se joue dans ma tête. J'aime constater que d'autres personnes partagent le même espace que moi, perdus, eux aussi, dans leurs rêves. Ou dans leur certitude d'être les seuls à observer leurs compagnons de fortune – ou d'infortune –, dans les transports en commun.

Bref. Jusqu'à ce que je croie sentir son regard sur moi, je ne l'avais pas remarqué.

Ayant lors fini de constater la grosse mexicaine à la canne en face de moi, je le constate, lui.

Du coin de l'oeil, d'abord. Il se tient à trente centimètres de moi. Nous sommes tous deux face à une vitre, sur laquelle nos reflets se côtoient déjà.

Je constate, donc, le bleu de sa veste, le tonus mince de ses mains, le maigre régulier de ses membres, le court de ses cheveux.

Mais l'image est floue et je n'ai pas tous les détails. Alors tout naturellement, pour combler le vide sur le constat, machinalement, nécessairement, je cherche son visage dans le vrai monde du bus. Je lève la tête.

Et mon regard tombe.

Directement sur le sien. Il regarde mes yeux, à la seconde où je regarde les siens.

Deux secondes.

Je sais que les miens sont grand ouverts et transparents ; je sais qu'à cet instant, quand je regarde, je me livre.

Je découvre en même temps que lui que nous sommes coupables de complicité d'espionnage mutuel.

En deux secondes.

Qu'il est un garçon, que je suis une fille. Qu'il est un homme et moi une femme. Que dans une autre vie, nous sommes deux désirs éventuels...

 

Mais pas ici. Ici, maintenant, nous ne sommes que surprise, trouble, amusement, puis maîtrise de soi. Deux expressions neutres qui se sont constatées... et qui retournent chacune dans leur tête avec une idée à ronger, un regard à interpréter, gardant un œil discret, distrait, sur le reflet de l'autre.

Nous pourrions nous connaître. Et comme nous nous connaissons, il s'est rapproché de moi.

Je dois sortir du bus. En passant devant lui, gênée dans mon parcours, j'effleure son buste de mon épaule droite.

Adieu, merci, bonne soirée, et bonne vie.

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