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Par la fenêtre, dehors et dedans.
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25 février 2010

Les carpes du jour.

    C'est tout simplement impossible. Il ne peut pas être mort, vivant il y a quelques semaines, et mort aujourd'hui. Et dans ma tête, mort une seconde sur deux. Je réalise encore, toutes les trente-cinq secondes. « Ton papa est mort. Tu n'as plus de papa. C'est terminé. Ta mère est seule à la maison. Quand tu y retourneras, il n'y sera pas... etc. » Je sais qu'il est nécessaire de passer par là, de penser ça. Depuis quelques nuits, je revis des instants passés. Une engueulade avec lui, quand j'étais ado. Des réconciliations et des « je t'aime ». Ou bien il se pointe, en blouse turquoise, bardé d'électrodes, de tuyaus, et le regard vide. On me dit qu'il est revenu, que c'était « une blague ». Il ne sourit même pas, il a l'air de s'excuser d'être : il est un légume. Et papy Noël est là aussi, avec sa chemise à carreaux, comme sur la photo. Mais il est comme une sculpture de terre sèche ou de cendres, et il s'effrite. C'est une réunion de famille, et tout le monde est là, me disant : « tu vois bien qu'ils sont vivants, voyons, tu le vois bien ! On t'avait dit qu'ils reviendraient ! » Et moi, je sais que c'est de la foutaise, que je suis dans un cauchemar, que je vais me réveiller, qu'ils seront bel et bien morts, et que manifestement, ça vaudra mieux pour eux.

    Mon meilleur ami est mort alors que j'avais dix-sept ans, ma mamie adorée quand j'avais à peine dix ans, tous les deux suicidés. Et c'est amusant - enfin, pas vraiment... - mais du coup, j'ai la sensation que nous nous suicidons tous, en fin de compte. Plus ou moins consciemment, c'est tout. On se débat, comme de stupides carpes dans un filet, jusqu'à l'épuisement, jusqu'au jour où on décide qu'on doit mourir. Toujours plus ou moins consciemment. Pardon, au fait, pour l'image des carpes, je n'en vois pas le sens non plus. Et cette (sur-)vie, qu'elle est belle, et comme, pour la plupart, nous l'aimons, nous la défendons (surtout celle des autres, au final...). On ne sait pas franchement pourquoi, non plus, on se cherche des excuses, scientifiques, altruistes, spirituelles... : « il faut se reproduire, c'est l'instinct de survie de tout organisme vivant, c'est chimico-mécanique, c'est tout. On doit vivre, les autres ont besoin de nous, nous nous tenons les uns les autres. Nous devons respecter la vie que les dieux nous donnent, c'est un cadeau. Nous sommes à l'image de Dieu, nous détruire est l'insulter... », j'en passe et de pires. Le mystère reste entier.

    C'est vrai quoi, à l'échelle de l'univers, pourquoi la vie ? Je n'en sais pas plus, et d'autres non plus, mais on la prend et on s'en sert, et on aime ça. Même si ça fait mal, putain ! Comme une alternance perpétuelle de cuites, de migraines et de gueules de bois... Pour l'instant, je me sens à cheval sur la migraine et la gueule de bois, et cette dernière, elle s'annonce longue et épaisse. La métaphore est naze. Ouép. Mais j'assume.

    Mon petit papa, un jour, j'écrirai un livre – ou pas – et tu ne le liras jamais. Et les carpes continuent à se débattre. Ça nous fait une belle jambe, tout ça.

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Commentaires
F
Charlie Chaplin a écrit cette superbe chanson que je chérirai toute ma vie :<br /> <br /> "Smile though your heart is aching<br /> Smile even though it’s breaking..."<br /> <br /> <br /> N'empêche, des fois, c'est dur !
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